Intervenants 2024
Huit invités viendront croiser leurs regards et partager leur éclairage sur la spiritualité. Plutôt que de vous présenter leur biographie, nous leur avons proposé de répondre à quelques questions en lien avec la thématique de notre prochain forum “Quelles spiritualités pour demain ? Sens et engagement”. Ils y ont librement répondu. “Scrollez” donc allègrement jusqu’en bas de cette page pour découvrir qui interviendra le vendredi ou le samedi.
Bien sûr, pour en savoir vraiment plus sur leur vision de la spiritualité, venez les écouter au forum (cliquez sur ce lien pour vous inscrire).
Déjà merci à Rachid Benzine, Charles Delhez, Laurence Flachon, André Füfza, Malika Hamidi, Marion Muller-Colard, Pierre-Paul Renders et Pablo Servigne de nous faire l’honneur et le plaisir de venir souffler leur “in-spi-ration” lors du forum 2024.
Levons à présent déjà un coin du voile sur chacune et chacun d’eux (consultez le programme et découvrez qui sont les artistes qui ont créé le spectacle de clôture). Et si vous voulez vous nourrir de leurs écrits, la librairie Siloé sera présente au forum. Voici déjà la liste des livres disponibles.
Vendredi 2 février : table ronde à 4 voix spirituelles
En tant qu’astrophysicien, André Füzfa vit “la tête dans les étoiles”. C’est un privilège, déclare-t-il, de pouvoir faire sa passion comme métier, mais c’est surtout une responsabilité car c’est une position où l’on peut œuvrer. Alors, j’ai choisi ma voie. À travers l’enseignement, la recherche et la diffusion des connaissances, j’œuvre à faire ressentir l’appel des étoiles, ce moteur universel qui nous pousse vers l’infini.
(NB : André Füzfa utilise les pronoms neutres inclusifs Iel et Ellui, ce qui prend tout son sens dans le cadre de ses réponses.)
Quelle citation ou proverbe illustrerait le mieux votre approche de la spiritualité?
“Ce n’est pas le monde qui est le lieu de la question. C’est la question qui est le lieu du monde” (Rabbi Nahman de Braslav).
Comment, en tant qu’agnostique, définiriez-vous votre spiritualité ?
L’agnosticisme n’est pas une position de confort, un entre-deux facile que l’on adopterait pour éviter de choisir son camp entre les croyants et les athées. Il n’y a d’ailleurs pas de camp à choisir : quand il s’agit de Dieu, il y a autant de camps qu’il y a de gens. Mon agnosticisme me provient de mon côté scientifique : le doute est un moteur. Dieu, s’Iel existe, est sans nul doute inconnaissable. Alors on doit le chercher dans nos vies. Et j’ai décidé de laisser dans la mienne une porte ouverte pour Ellui. Après toutes ces années de doute et d’espoir, où je ne suis pas parvenu à me convaincre de l’inexistence de Dieu, ou de son existence, je me suis dit que c’était une bonne chose que cette question demeure.
Dans quelle mesure la spiritualité se révèle-t-elle un moteur ou une ressource ? Inspire-t-elle vos engagements ?
En science, quand une question revient, c’est un bon signe, c’est qu’elle est pertinente. Alors je choisis le doute comme moteur : ce n’est pas le monde qui est le lieu de la question, c’est la question qui est le lieu du monde (Rabbi Nahman de Braslav). S’Iel existe, il nous a manifestement créé curieux et curieuses. Et moi, j’ai toute confiance dans notre doute pour douter en toute confiance. J’ajouterais ici que j’ai le sentiment que la question spirituelle est un moteur naturel, inhérent à notre espèce, si ce n’est à la vie intelligente en général. On en reparlera quand on aura découvert la vie extraterrestre… Nous sommes invités, ou naturellement attirés, à nous questionner.
Bien entendu la spiritualité est un moteur pour mes engagements, comme elle l’est pour ma vie. Parce que la bienveillance existe en ce monde : dans le pire des cas, ce sera celle que nous aurons choisi d’exercer. Mais, avec un peu de chance, la bienveillance existe peut-être aussi indépendamment des humains…
Y a-t-il un livre ou un personnage (historique ou encore vivant) qui a nourri votre itinéraire spirituel ?
Le personnage de Georges Lemaître, et son double chemin vers la Vérité – la Science et la Foi, me sont très inspirants. En particulier, c’est chez lui que j’ai retrouvé l’expression de « Dieu caché », qu’il a repris du Livre d’Isaïe et d’autres. J’aime cette idée que Dieu, s’Iel existe, se soit mis en retrait de sa propre Création, qu’elle n’est pas achevée et qu’Iel est caché parmi nous, pour mieux nous laisser libres. Cette idée de Dieu caché me console du mal, dont je ne peux pas concevoir que Dieu le tolérerait s’il n’en souffrait pas avec nous.
Quelle couleur donneriez-vous à votre spiritualité ? Quel sens donnez-vous à cette couleur?
Joker ! Je ne sais quoi répondre.
Quel serait l’enjeu actuel pour lequel l’union de toutes les spiritualités apporterait une solution ? Et comment ?
Je pense que tous les enjeux sociétaux actuels qui concernent l’espèce dans son ensemble, et au-delà, notre impact sur la planète et notre contribution à l’Univers bénéficieraient grandement d’une communauté de bonté et d’intelligence. Je pense que la Révélation n’est pas achevée, tout comme notre relation, notre Alliance, à Dieu, s’Iel existe, se construit en permanence. Nous devons donc partager, pour y voir plus clair. Nous devons refuser l’instrumentalisation de la spiritualité et de la religion par ceux qui la dévoient pour servir leur intérêt ou une vision pervertie du monde. La spiritualité ne doit pas nous être confisquée, car elle est l’une des émanations de notre liberté.
Enfin, entre gens de bonne volonté, nous devons passer davantage de temps sur tout ce qui nous rassemble – ces universels qui parlent à travers nous – et moins nous braquer sur ce qui nous divise.
Désirez-vous partager une expérience concrète où la spiritualité a joué un rôle crucial dans votre vie?
La question spirituelle ne me quitte jamais vraiment. Mais ma spiritualité a particulièrement évolué depuis la déclaration de la maladie de mon fils aîné, Hugo, que nous avons malheureusement perdu en 2018. C’est toujours difficile d’en parler, parce que ce ne sont pas des épreuves que l’on traverse et dont on sort : elles font partie désormais de nos existences, à la fois plaies ouvertes et forces de vie. J’ai écrit, parfois à quatre mains, un témoignage de sa maladie. Si vous le lisez, je pense que vous y trouverez votre réponse. En résumé, la spiritualité m’a montré à quel point la lumière s’immisce dans la nuit, si nous voulons bien l’y porter, comme le chandelier du Temple a fait renaître l’espoir. Je regrette que les gens en viennent à se tourner vers Dieu seulement dans leur souffrance. Iel y est sans nul doute aussi, mais je me permettrai de l’inviter à partager mes joies : j’imagine qu’Iel doit bien le mériter.
Quel est, pour vous, l’intérêt pour un forum citoyen de se pencher sur la spiritualité ?
Si la spiritualité est intrinsèquement une quête personnelle, elle n’est pas individuelle ou isolée. Elle s’enrichit dans le partage respectueux et se construit, comme nous-mêmes au travers des autres et au sein du monde. L’aspect citoyen est crucial aussi, je pense, dans la mesure où la société doit permettre au besoin de spiritualité de l’humain de s’épanouir et les citoyens doivent revendiquer leur droit à une spiritualité, y compris athée. Il faut donc des espaces de partage libres sur ce domaine, même si les peuples choisissent d’avoir des états laïques, cela ne veut pas dire que ces structures doivent être anti-spiritualité. Sinon, elles nieraient une caractéristique fondamentale de l’humain : son besoin de sens.
*******************
Né à Namur en 1978, mon patronyme signifie « saule » en hongrois. Je suis un curieux des étoiles et du Ciel, depuis l’âge de 10 ans.
Adolescent, la découverte du principe anthropique en cosmologie m’a fasciné, me faisant croire que la science pourrait trancher la question de Dieu. À tort.
À l’heure de choisir des études, j’ai hésité entre philosophie et physique. Je choisis la seconde : je voulais comprendre les lois fondamentales de la nature et faire de cette passion mon métier. J’ai poursuivi ma carrière scientifique en cosmologie avec les diplômes et les recherches qui vont avec. J’ai pu décrocher un poste permanent de professeur à l’Université de Namur en 2009.
Très discret sur lui-même, il ne dira pas qu’il effectue des recherches dans les domaines de la cosmologie et de la gravitation relativiste. Inventeur, il est aussi titulaire de deux brevets sur des dispositifs permettant de générer et de détecter les ondes gravitationnelles. Il se passionne pour la vulgarisation scientifique et participe notamment à des conférences TEDx.
André est aussi auteur de deux livres. Le premier, A chaque battement de nos cœurs vaillants (éditions Weyrich), recueille le témoignage de la maladie de son fils Hugo. Le second récit, A l’appel des étoiles (Tome 1, Publishroom factory) est à classer dans la science-fiction éducative même s’il laisse une place pour les rapports science et foi.
Avec Laurence Flachon, Rachid Benzine et Charles Delhez, il participera à la table ronde ouvrant le forum.
Quel est, pour vous, l’intérêt, pour un forum citoyen, de se pencher sur la spiritualité ?
J’aime le terme “forum citoyen” pour au moins deux raisons : d’une part parce que la spiritualité – tout comme l’Église – est l’affaire de tous et toutes ; d’autre part parce que les chrétiens sont aussi des citoyens et que notre foi doit se vivre de manière active dans et pour ce monde.
Je suis plus réservée sur le terme “spiritualité”. C’est une notion qui permet d’inclure d’autres formes de convictions et de pratiques mais qui risque de ne plus signifier grand-chose, d’être diluée dans un ensemble sans cohérence. Parfois le mot “spiritualité” est utilisé parce qu’on n’ose pas employer le terme de “religion” ce qui pose aussi question.
Quelle couleur donneriez-vous à votre spiritualité ? Quel sens donnez-vous à cette couleur?
Pour moi, la spiritualité ne peut se résumer à une couleur, elle a toutes celles de l’arc-en-ciel, signe de l’alliance ; pont entre terre et ciel ! Dans la diversité, la complémentarité et l’infini chatoiement de ces couleurs se lisent – ou se lient ? – ceux de chacun de nos visages qui répond librement à la Parole qui lui est personnellement adressée.
Y a-t-il un enjeu actuel pour lequel l’union de toutes les spiritualités apporterait une énorme plus-value/une solution ? Et comment ?
La spiritualité touche à l’intime, elle façonne notre être, elle le recentre face aux “divertissements” du monde. Au-delà des émotions immédiates ou des indignations faciles, elle permet de poser des actes et d’avoir une parole “ancrée” dans plus grand que soi. Une parole qui prend du recul et de la hauteur, capable de voir plus loin que le contexte immédiat.
Je pense qu’une parole unie contre la violence et la déshumanisation qu’engendre la guerre serait absolument nécessaire. Une parole qui rappellerait que la dignité est inaliénable quelle que soit l’origine, la religion ou la catégorie sociale. Un autre domaine où une parole commune ferait sens est celui de l’écologie. Protéger et faire grandir le vivant en nous et autour de nous, maîtriser nos attitudes prédatrices, prendre conscience du lien entre les injustices sociales et la crise climatique sont autant d’enjeux que les spiritualités peuvent partager et mettre en avant.
Quelle citation ou proverbe illustrerait le mieux votre approche de la spiritualité?
J’aime la liberté, la mise en jeu du cœur et de l’intelligence à laquelle nous invite l’apôtre Paul dans l’épître aux Romains (12,2) : “Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait.”
L’apôtre nous encourage à ce que notre vie entière rende gloire à Dieu en nous engageant là où nous sommes et en cherchant chacun notre propre chemin. Il évoque un Dieu qui œuvre en nous et fait du neuf !
Que notre vie soit un culte qui engage notre intelligence ; une intelligence qui se laisse renouveler, travailler par l’esprit de Dieu et qui peut ainsi voir autrement, voir avec discernement ce qui est juste, ce qu’il convient de faire dans les différentes situations que nous vivons. Le culte dont parle Paul n’est pas enferré dans un ritualisme vide et formel, il est celui de la vie qui se cherche, qui tâtonne, qui recommence et qui finit par trouver sa voie dans le service de Dieu et du prochain.
Ne pas céder à cette “mise en conformité” avec le monde, c’est garder les yeux ouverts face aux diverses injonctions qu’il véhicule. Un “anticonformisme” pas toujours aussi facile à tenir qu’il y paraît, tant il peut être inconfortable de questionner des choix majoritaires ou de ne pas s’en remettre uniquement à sa propre sagesse…
******************
Laurence Flachon a co-écrit avec François Dermange Ethique et Droit (Labor et Fides, 2002). Elle participera à la table ronde avec Rachid Benzine, André Füzfa et Charles Delhez
La spiritualité, un feu !
Parlez-nous de votre itinéraire spirituel. A-t-il été nourri par un livre ou un personnage (historique ou encore vivant) ?
Comme Obélix, je suis tombé dans la spiritualité chrétienne dès mon plus jeune âge. À l’école, au collège, en paroisse, on nous y initiait. Notre vie était moins encombrée qu’aujourd’hui, il était plus aisé d’être fidèle à de petites pratiques quotidiennes comme la méditation à la lumière de l’Évangile. Entré chez les Jésuites, j’ai découvert la voie Ignatienne grâce aux Exercices spirituels de St Ignace de Loyola, un petit manuel né de son propre itinéraire, un véritable chemin de liberté. Ce livret propose une expérience fondatrice à vivre durant 30 jours et qui structurera toute la vie spirituelle. Il s’agit de se mettre à l’école du Christ. Les Exercices sont la source de cette spiritualité que l’on peut résumer par le mot de discernement. N’est-ce pas le cœur de toute spiritualité : en regardant le monde, en écoutant son intériorité, se poser la question : que suis-je appelé à faire ? Notre vie, en effet, est un tissu de petites et de grandes décisions qui dessinent notre personnalité profonde. En cette époque de transition, c’est toute la société qui est appelée à entrer en discernement : comment anticiper, dès aujourd’hui, le monde que nous espérons pour demain ?
Quelle couleur donneriez-vous à votre spiritualité ? Quel sens donnez-vous à cette couleur?
La couleur rouge ! Celle du feu. La légende raconte qu’Ignace de Loyola, en envoyant François à Xavier en Inde, le laissa sur ces mots : “Ite inflammate omnia !”, “Va, enflamme toutes choses !” Lors d’une réunion internationale des délégués jésuites à Rome en 2008, un texte conclusif présentant le charisme de l’Ordre avait pour titre : “Un feu qui en engendre d’autres”. Être prêtre, c’est avoir envie de transmettre un feu. Qui n’est pas habité par un feu ne transmettra rien et laissera le monde en l’état. Or, il y a une urgence.
Pensez-vous à une citation ou proverbe résumerait/illustrerait le mieux votre approche de la spiritualité?
Un jésuite hongrois Gábor Hevenesi des XVIIe-XVIIIe siècles a résumé la “règle ignatienne de l’agir” par une maxime paradoxale : “Aie foi, comme si tout dépendait de toi et rien de Dieu ; agis, comme si tout dépendait de Dieu et rien de toi.” Elle traduit bien la liberté du croyant qui assume sa responsabilité devant Dieu. Que la prière ne te dispense pas de l’action et que celle-ci ne te dispense pas de la prière. Agis dans la confiance en Dieu. La spiritualité, en effet, est la caractéristique non négociable de l’humaine condition, ce qui nous distingue de l’animal et de la machine. Elle est ce lieu intérieur de la personne où celle-ci décide du sens qu’elle donne à sa vie ainsi que des engagements qu’elle prend selon ses propres valeurs. Aujourd’hui, la spiritualité n’est plus considérée comme le monopole des religions. “La spiritualité, explique Pierre de Locht, c’est le feu intérieur d’un être en recherche de conscience et de liberté au cœur d’un univers dont il est solidaire.” Encore le feu ! Quand elle est religieuse, elle débouche sur une transcendance, sur la découverte d’un plus grand que soi, innommable : l’Infini de l’Amour, de la Vérité, de la Beauté.
Quelle place la spiritualité a-t-elle dans votre vie ? Et de quelle manière ?
La vie spirituelle est une dynamique, un élan, et non un salon de thé ou une fumerie d’opium. Notre intériorité est le lieu de nos choix et de nos engagements, et donc aussi de nos combats, d’une guerre contre notre moi superficiel. Dans cette aventure intérieure, le croyant est assuré d’être aimé et aidé, que Dieu chemine avec lui et ne l’abandonnera jamais. Personnellement, j’essaye d’être fidèle à un temps quotidien de silence et de prière pour relire ma vie en présence de Dieu et la nourrir par des lectures spirituelles. Quatre mots m’y aident : gratitude, lucidité, anticipation, solidarité. La gratitude, pour la vie et pour tout ce qui m’est donné chaque jour ; la lucidité, car une part lumineuse et l’autre ténébreuse se disputent le terrain en moi, il s’agit que je les distingue bien ; l’anticipation, car je désire prendre ma vie en main et décider de mes objectifs, de mes priorités pour les heures qui viennent ; la solidarité, car je voudrais vivre cette journée en communion au moins intérieure avec certaines personnes en difficulté ou en souffrance. Ce temps est matinal : je ne commence pas ma journée en courant après le train !
********************
C’est un vrai couteau suisse ! Charles Delhez, jésuite belge, est sociologue de formation, conférencier, chroniqueur dans différents médias (dont La Libre Belgique), est curé de Blocry (Louvain-la-Neuve), aumônier national des Équipes Notre-Dame (équipes de couples) et – last but not least ! – membre de l’équipe porteuse de RivEspérance. Il a même des talents d’acteur : regardez donc les petites “stories” qu’il a préparées avec Luc pour vous expliquer le forum.
Il est l’auteur d’une cinquantaine de livres, traduits dans une dizaine de langues, pour adultes, jeunes et enfants. Ainsi Où allons-nous ? De la modernité au transhumanisme, chez Salvator, Paris (2018) ; Si la foi m’était contée, aux éditions Fidélité, Bruxelles-Paris (2020). Son dernier ouvrage est un essai : Église catholique. Renaître ou disparaître (Éditions jésuites, 2022).
Charles Delhez ouvrira le forum en compagnie de André Füzfa, Laurence Flachon et Rachid Benzine.
Rachid Benzine est une des figures importantes de l’islam libéral francophone. Islamologue, politologue et enseignant franco-marocain, il est actuellement maître de conférences en sciences économiques à l’Université Paris-Nanterre.
Arrivé en France à l’âge de sept ans, il deviendra champion de France de kickboxing en 1996. Il délaissera cependant sa carrière sportive pour s’orienter vers des études d’Histoire et d’islamologie.
Promoteur du dialogue islamo-chrétien
Avec le père Christian Delorme, il met sur pied le dialogue islamo-catholique, dans la banlieue de Lyon ; une expérience qu’il relate dans le livre “Nous avons tant de choses à nous dire” (Albin Michel, 2014).
Par ailleurs, Rachid Benzine a été chercheur associé à l’observatoire du religieux. Il a également donné des cours à la faculté catholique de Louvain-la-Neuve et à la faculté de théologie protestante de Paris.
Partisan de l’islam des Lumières
Écrivain prolixe, il s’attache à penser un islam en phase avec notre temps et s’investit également dans le dialogue islamo-chrétien.
Rachid Benzine a été codirecteur de la collection « Islam des lumières » aux éditions Albin Michel, qui publie des ouvrages sur la pensée musulmane libérale contemporaine. Dans “Les Nouveaux Penseurs de l’islam”, il présente des intellectuels musulmans qui préconisent une relecture du Coran à l’aune des sciences humaines.
Ecrivain prolixe, son dernier livre paru s’intitule Les Silences des pères (Seuil, août 2023) et l’avant-dernier Voyage au bout de l’enfance (Points, janvier 2023) et, l’une des plus belle correspondance entre un père et sa fille Lettres à Nour (Points, 2019). Il a co-écrit avec Delphine Horvilleur Des mille et une façons d’être juif ou musulman : dialogue (Points sagesses, 2019).
Pour illustrer la vision de Rachid Benzine, nous vous partageons un tweet qu’il a publié au début du conflit israélo-palestinien qui a cours encore actuellement.
“Mettre la dignité humaine avant toute chose”
“L’inhumanité frappe encore la terre sainte. Dans l’horreur de ces cycles mortifères, on est tenté de choisir sa douleur et ses morts, de choisir son camp. Sauf qu’on ne défend pas la cause palestinienne avec une culture de mort comme celle du Hamas. On ne défend pas Israël en restant silencieux face au fait accompli et l’impunité des colons et de leurs représentants. On ne défend personne quand on cautionne les stratégies du pire. Surtout, pour nous Français, de confession juive ou de confession musulmane, on ne défend personne en important en France la noirceur d’un conflit insoluble. Si nous, qui vivons en paix, n’arrivons pas à débattre de nos désaccords en mettant la dignité humaine avant toute chose, comment les Israéliens et les Palestiniens le pourraient-ils un jour?”
Avec Charles Delhez, Laurence Flachon et André Füzfa, Rachid Benzine prendra part à la table ronde ouvrant les 24h du forum.
Samedi 3 février : dialogues deux par deux : Pierre-Paul et Pablo - Malika et Marion
Malika HAMIDI est spécialiste du féminisme musulman en Europe. Docteure en sociologie formée à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), elle est actuellement enseignante associée du cours “Islam en Europe contemporaine” (Titulaire Pr. Corinne TORREKENS ) du Master en Sciences Politiques à l’Université Libre de Bruxelles En septembre 2023, elle a rejoint la coordination scientifique et pédagogique du certificat universitaire en sciences religieuses et sociales à l’UCLouvain- Saint Louis Bruxelles “L’islam en Europe contemporaine à l’aune du Genre”. Enfin, elle est chercheuse postdoctorale à l’Université Saint Louis dans le cadre du projet de recherche intitulé “RE-VISUALISE : Genre et islam dans le monde digital francophone”.
Experte reconnue, Malika Hamidi est régulièrement invitée à intervenir sur les questions liées à la radicalisation et aux violences extrémistes, ou encore sur le rôle des femmes dans la lutte contre les violences extrémistes. Son regard d’intellectuelle engagée lui permet de proposer des réponses originales à ces questions complexes.
De sa biographie bien fournie, retenons que cette femme très engagée est active à la fois au niveau académique, auprès des institutions européennes et au sein d’organisations musulmanes. Ainsi elle s’investit ou a été membre fondatrice de diverses organisations féminines de terrain, telles que le Groupe International d’Étude et de Réflexion sur les Femmes en Islam au Maroc ou Femmes Musulmanes en Belgique. En 2015, elle a été invitée à siéger au comité consultatif du projet européen “Forgotten Women : the impact of islamophobia on Muslim women” initié par l’Européen Network Against Racisme et soutenu par les institutions européennes.
Reconnue mondialement pour ses engagements
En 2021, elle a eu le privilège de recevoir le “11th International Women of Courage Award” à la mémoire de Mère Teresa. En 2019, elle a été élue Global Goodwill Ambassador. Le Forum de Crans Montana a par ailleurs élu Malika Hamidi parmi les Nouveaux Leaders de Demain 2013 -2016. Le CEDAR l’avait également placée dans les finalistes des European Muslim Women of influence en 2010, et elle a été nominée pour l’Award 2012 de l’hebdomadaire Inspiring Europe organisé par l’Institution européenne pour l’égalité des sexes et soutenu par la Commission européenne.
Ses publications sont liées à ses intéressantes recherches sur la thématique du féminisme musulman :
La Révolution des féminismes musulmans : élaboration théorique et agir féministe (de 2004 à 2014) (préface de Amina Wadud, éditions Peter Lang, 2023) ;
Un féminisme musulman, et pourquoi pas ? (préface de Alain Gresh, Editions de l’Aube, 2017, réédité en 2020) ;
Des féminismes islamiques (La Fabrique, 2012, ouvrage collectif) ;
A paraître prochainement, un ouvrage collectif intitulé “Intersections et entrecroisements : féministes musulmanes, afro féminismes, complices et alliées”.
Dans La Libre, une interview de Malika Hamidi par Jean-Bosco d’Otreppe s’intitule : “Les jeunes femmes sont le moteur de l’Islam”.
Malika Hamidi et Marion Muller-Colard feront résonner leur regard féminin sur la spiritualité au sein de leurs confessions respectives (consultez le programme et inscrivez-vous).
Marion Muller-Colard a répondu de vive voix au questionnaire. L’intégralité de son interview est parue en Grand Entretien dans le journal Dimanche, partenaire du forum RivEspérance. Sur la connotation du terme “spiritualité”, elle tenait particulièrement à s’exprimer. Donnons-lui la parole !
Je suis assez prudente avec le maniement de ce terme. Il semble implicite qu’il soit clair pour tout le monde. Pour ma part, je crois qu’il recouvre des sens bien différents en fonction des personnes et des contextes dans lesquels il est utilisé. Je crains donc souvent, quand on annonce le thème des spiritualités, que ce soit un vivier à malentendus. Il y a une prétention à l’universalisme derrière ce mot. Je perçois bien cette promesse d’universalisme mais elle fait toujours courir le risque de réduire la singularité de chacun.
Utiliseriez-vous un autre mot ?
Non, je l’utilise aussi, faute de mieux parfois ! Mais, si je suis invitée à parler de ce sujet, je suis obligée de dire ma part de réserve et d’interrogations. Comme cela ne dérange pas les organisateurs de ce forum, je trouve cela intéressant de venir questionner l’usage de ce terme.
Le forum veut en effet que chacun intervienne avec sa singularité et ses questionnements. Ce n’est donc pas pour rien que RivEspérance vous a invitée !
L’interview complète est à lire sur le site de Cathobel.
******************
Marion Muller-Colard en quelques lignes
Docteure en théologie de l’université de Strasbourg puis aumônière en secteur hospitalier pendant sept ans. Marion Muller-Colard s’est ensuite consacrée à l’écriture et à la présentation d’une émission sur la Bible (France 2). Depuis 2022, Marion Muller-Colard a repris la direction des éditions Labor et Fides. Cette maison d’édition suisse fêtera, en 2024, ses 100 ans ainsi que le lancement d’une nouvelle collection « Qu’est-ce que cela change ? »
Son dernier livre s’intitule La vie funambule (coédition Bayard et Labor et Fides, 2023). Elle est aussi l’auteure de Les grandissants (Labor et Fides, 2021).
Marion Muller-Colard et Malika Hamidi feront résonner leur regard féminin sur la spiritualité au sein de leurs confessions respectives (consultez le programme et inscrivez-vous).
Son dernier livre, co-écrit avec Gauthier Chapelle (invité pour introduire la précédente édition de RivEspérance sur la thématique de la transition), L’effondrement (et après) expliqué à mes enfants… et à mes parents (Seuil, 2022) ouvre le dialogue entre les générations sur la problématique des dérèglements climatiques. Le forum RivEspérance a aussi cette volonté de susciter le dialogue, et pas seulement intergénérationnel !
Selon vous, quel est l’intérêt pour un forum citoyen de se pencher sur la spiritualité ?
L’intérêt d’explorer la spiritualité entre citoyens est déjà de se rendre compte qu’il y en a plusieurs (les spiritualités) et que nous n’y voyons pas la même chose. Reconnaitre cela est la première étape vers une compréhension commune, puis – pourquoi pas ? – des pratiques communes. Autrement dit, pour “réparer le tissu déchiré du monde” expression reprise du titre d’un livre de Abdennour Bidar. La vie intérieure (définition très large, et probablement trop large) est un domaine essentiel à explorer pour n’importe quel citoyen s’il veut être en intégrité avec lui-même, avec les autres, avec la Terre, et s’il veut changer la société. J’adore la science, mais elle ne peut pas, à elle seule, donner le sens au monde ni être le socle des liens entre citoyens. Il y a autre chose à explorer. Certes, il y a des risques de se tromper, mais il ne faut pas en avoir peur.
Quel serait l’enjeu actuel auquel l’union de toutes les spiritualités apporterait une énorme plus-value? Et comment ?
L’énorme enjeu actuel est global, il s’agit de l’intrication entre le dérèglement climatique, l’effondrement du vivant, la refonte rapide de notre système économique, la perte des savoirs anciens et la possible explosion de la violence entre cultures et entre classes.
Il est évident que le chemin de la paix (entre humains et avec le vivant) passera par des unions entre les cultures, c’est-à-dire aussi entre spiritualités. Il y a tant à gagner à prendre le meilleur de chaque spiritualité et à cultiver tout cela dans le respect mutuel ! C’est comme dans la série « Game of Thrones », tant que les grandes familles continueront à s’entretuer pour des raisons morales, politiques et finalement bassement intra humaines, elles ne verront pas venir les grandes menaces globales, et mourront. S’entraider ou mourir, voilà la leçon.
Quelle place à la spiritualité dans votre vie quotidienne ou dans votre vie professionnelle ? Et de quelle manière ?
J’ai découvert très tardivement ce domaine, après une enfance maladroitement et honteusement catholique, et une longue période d’athée pratiquant. Puis, j’ai découvert il y a 10 ans les bienfaits individuels et collectifs du fait de cultiver et prendre soin des liens avec soi-même, avec les autres, avec les non-humains, et avec ce qui nous dépasse… Depuis, j’ai intégré des pratiques et des pensées qui nourrissent cela, dans mon quotidien. Sur ce chemin très personnel d’autonomie (je ne m’en remets à aucune autorité), je ne peux plus faire marche arrière, c’est beaucoup trop intéressant, puissant et gratifiant !
********************
“Parfois, il m’arrive de dire [que je suis un] chercheur in-terre-dépendant”. C’est ainsi que Pablo Servigne, auteur et conférencier indépendant, se présente sur son site.
Spécialiste de l’entraide, ses travaux portent sur l’étude transdisciplinaire des effondrements (ce que l’on appelle communément la collapsologie) et de la résilience. Il étudie, en parallèle, les mécanismes d’entraide, qui permettent d’envisager un siècle malgré tout heureux. “Actuellement, je co-dirige un projet de recherche scientifique sur l’entraide en temps de crise. Je donne également des conférences sur ce sujet et une masterclass “La Puissance de l’entraide”, qui sera disponible en ligne en 2024 (déjà en prévente sur le site de Sator).
Son site – tout en sobriété – présente également ses prochaines dates d’apparition publique. Et devinez donc quelle est la première annoncée ? C’est sa participation au forum RivEspérance. Merci !
Co-auteur avec Raphaël Stevens de Comment tout peut s’effondrer : petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes (Points Essais, 2021). Avec Gauthier Chapelle, il a aussi publié, L’Entraide l’autre loi de la jungle aux éditions Les Liens qui Libèrent, 2017. A trois, ils ont publié Une autre fin du monde est possible – Vivre l’effondrement (et pas seulement y survivre) (Seuil, 2018).
Pablo Servigne et Pierre-Paul Renders partageront leur vision de l’éco spiritualité (consultez le programme et inscrivez-vous)
En 2021, Pierre-Paul Renders réalise, à la demande du Mouvement pour un Monde Meilleur (MMM), une série vidéo de 8 épisodes “Des arbres qui marchent”. Vous pouvez entre autres y retrouver les témoignages de Marion Muller-Colard et Pablo Servigne qui interviendront aussi lors du prochain forum RivEspérance.
En quelques mots, quel est votre itinéraire spirituel ?
Né dans une famille très chrétienne, j’ai été très impliqué dans la foi dans mon enfance mais aussi ma jeunesse, dans les CVX (Communautés de Vie Chrétienne). J’y ai vécu de belles expériences de foi personnelle et collective. Avec le temps, ma pratique s’était attiédie, découragée par la pauvreté de la foi en paroisse. A l’Ascension 2015, suite à un pèlerinage réalisé par curiosité dans un lieu marial, j’ai vécu une sorte de profonde conversion. Celle-ci a recentré ma pratique de la foi catholique, ma quête théologique et mon approfondissement de la spiritualité du Christ. Depuis, on pourrait me définir comme une sorte de ‘super-catho’ qui – par exemple – essaie d’aller à la messe tous les jours.
Ma conversion spirituelle s’est par la suite entrelacée avec une conversion écologique, comme l’autre face de la même pièce. Je me suis trouvé très en phase avec l’encyclique Laudato Si.
Je suis actif au Couvent St Antoine des Franciscains de Bruxelles, qui est un lieu de ressourcement pour moi, quasiment ma première paroisse.
Quels engagements avez-vous pris au cœur de la société ? Et dans quelle mesure la spiritualité se révèle-t-elle un moteur/un tremplin ou un outil/une ressource ?
Je me suis beaucoup engagé dans le scoutisme et l’associatif du milieu artistique. Mais tout cela sans lien direct avec la spiritualité. Depuis ma conversion, l’ancrage spirituel est au centre. Il nourrit l’arrière-fond de mes activités d’enseignant et, surtout, d’animateur de groupes de partage autour de ma série vidéo “Des Arbres qui marchent” ainsi que de facilitateur en intelligence collective (Groupe de Codéveloppement, Le Travail qui Relie…). Par le biais de la réalisation de cette série, j’ai été amené à m’impliquer de plus en plus dans les mouvements actifs autour de l’écologie intégrale et de la justice sociale et environnementale.
Quelle couleur donneriez-vous à votre spiritualité ? Quel sens donnez-vous à cette couleur?
Instinctivement, le blanc car c’est la Lumière. C’est aussi la somme de toutes les autres couleurs dans leur (bio)diversité.
Selon vous, pour quel enjeu actuel/contemporain l’union de toutes les spiritualités apporterait une énorme plus-value? Et comment ?
Pour la plupart des enjeux actuels, les spiritualités mettent au cœur de leur démarche l’humilité, le respect du vivant, l’amour et l’harmonie comme forces de vie… Ce sont toutes des valeurs qui sont actuellement, plus que jamais, des conditions absolues pour traverser les épreuves qui nous attendent. Il ne s’agit pas de plus-value, mais du cœur de la pulsion de vie et donc de la survie de l’humanité.
Quel est, pour vous, l’intérêt pour un forum citoyen de se pencher sur la spiritualité ?
Le forum citoyen suscite l’intelligence collaborative, l’ouverture d’esprit et la métanoïa collective (NDLR : littéralement “le changement de mentalité”). Il permet de prendre conscience de l’importance de la spiritualité et du danger de s’en être coupé, en tant que société.
Désirez-vous partager une expérience concrète où la spiritualité a joué un rôle crucial dans votre vie?
Aujourd’hui, pratiquement toutes les décisions importantes de ma vie sont guidées par une écoute de l’Esprit. J’essaie de ne plus avoir de projets mais de déposer des « élans », puis de voir quels projets viennent à moi pour répondre à ces élans. J’évite ainsi de m’identifier à un projet et, de là, risquer de ne plus savoir si je porte ce projet pour moi ou pour le projet. Ainsi la série “Des Arbres qui marchent” est partie d’un élan et le projet est venu vers moi d’une manière plutôt improbable.
Quelle citation ou proverbe résumerait/illustrerait le mieux votre approche de la spiritualité?
La parabole du Fils Prodigue.
Quelle place a la spiritualité dans votre vie quotidienne ou dans votre vie professionnelle ? Et de quelle manière ?
Ayant du mal à m’attacher avec régularité à la prière/méditation quotidienne en solitaire, je vais à la messe tous les jours . Cela me procure mon temps de prière personnelle et mon temps d’écoute de la parole, en plus de la force du sacrement. J’essaie de pratiquer le jeûne, comme une prière, deux jours par semaine. C’est, pour moi, une manière physique de faire offrande. Dans tous les domaines de la vie, j’essaie à tout moment d’être à l’écoute de l’Esprit et de me laisser inspirer par lui pour être son instrument… J’essaie… mais le chemin est encore long !
********************
Pierre-Paul Renders est un passionné …
… d’imagination et de narration, entre autres par le biais du cinéma ( “Thomas est amoureux”, en 2001, et “Comme tout le monde” en 2005) et de la bandes dessinées (conception et co-scénarisation de la série-concept à succès “Alter Ego”)
… de transmission et d’interaction avec les jeunes, il est pédagogue (à l’IAD de Louvain la Neuve)
… d’intelligence collective, il facilite des processus de codéveloppement et de Travail qui relie.
… de mobilisation autour du changement de regard et de système, notamment via la série vidéo sur l’éco-spiritualité “Des arbres qui marchent” (2021)
En bref, Pierre-Paul aime s’engager dans des projets, pourvu qu’ils soient porteurs de sens… comme RivEspérance !
Il a aussi publié Prières pour la création (dans l’esprit de Laudato si) aux éditions Béatitudes Eds (2022).
Pierre-Paul Renders et Pablo Servigne partageront leur vision de l’éco spiritualité (consultez le programme et inscrivez-vous)